lecture de : Le miroir fêlé , Svetislav Basara - fin

Publié le 15 Juillet 2020

Le nouveau « Nouveau roman »

                Basara est maître en l’art de tromper son lecteur, de jouer avec lui. Dans ses livres, et particulièrement dans le miroir fêlé, tout n’est que mise en abyme, subterfuges, inventions en tout genre. N’allons pas chercher loin, il suffit de lire la première ligne « Qu’est-ce que c’est que ce début ? » se demanda le typo à l’imprimerie en lisant : « Qu’est-ce que c’est que ce début ? ».

                Même les personnages du livre tentent d’évoluer d’eux-mêmes, d’échapper à leur auteur pour tenter d’apparaître quand on ne les attend pas, par pure vanité ou pour déstabiliser l’écrivain.

« dès le début du quatrième chapitre, mon père fit irruption dans ma chambre […] J’avais compris sa sale petite manœuvre : il voulait que je me laisse emporter et que, pour le moins, ma réplique devienne trop longue et lasse le lecteur ».

                D’ailleurs, Anan lui-même est personnage et écrivain, puisque le récit est celui de sa quête identitaire, de son refus de vivre dans un monde où la norme est triomphante. Les péripéties s’enchaînent dans la plus pure absurdité : il quitte l’hôpital psychiatrique parce qu’il n’y avait pas d’autre alternative pour les médecins, le chapitre dix touchant à sa fin. « ils n’ont rien pu faire contre la logique littéraire ».

                Basara ne respecte aucune règle, faisant même intervenir des personnages qui n’ont aucune importance dans la narration (et que les protagonistes eux-mêmes ne connaissent pas !), supprimant tout suspens inutile avec l’annonce des péripéties à venir, passant de la prose à la dramaturgie sans autre forme de procès. Et pourtant, l’ensemble se tient, oscillant entre essai et roman, onirisme et réalité, folie et rationalité.

Miroir

                Au final, Basara nous pousse à nous interroger sur nos croyances et à les remettre en cause. Le langage lui-même est fourbe, et nos sociétés sont pleines de mensonges. C’est à nous qu’est tendu ce Miroir fêlé. Et je ne suis pas sûr que le reflet est forcément déformant.

                Après tout ça, je me demande encore si je suis bien vivant, et si je ne ferai pas mieux de renaître une seconde fois. En tous cas, dès maintenant, je fais la promesse de me méfier des "Bonjour!" qu'on me lancera en pleine figure.  

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