Publié le 5 Mars 2024

Michael Jones est un ancien espion du MI-6, mis à la retraite après avoir subi une expérience mystérieuse qui a rendu sa peau grise et son humeur massacrante. Comme le reste des espions décommissionnés du monde, il est assigné à résidence à Los Angeles où il survit en jouant les détectives dans la communauté bigarrée des ex-espions de L.A. Le premier album commence quand un vieil homme fortuné l'engage pour retrouver une bobine de film qui lui a été volée. Le vieux a aussi trois filles, dont une a été kidnappée et l'intrigue est calquée plus ou moins fidèlement sur celle du Grand Sommeil de Chandler. Aussi, la bobine que Jones doit retrouver contient un film pornographique tourné par Hitler dans son bunker en 1944.

Les connaisseurs auront immédiatement identifié un pitch de Warren Ellis (scénariste de BD à ne pas confondre avec son homonyme violoniste et comparse de Nick Cave). Bourré d'idées dans tous les sens, d'obscénité, de violence et d'amertume mais basé sur un genre qu'il respecte finalement plus qu'il ne le subvertit. C'est à la fois la principale qualité et le principal défaut d'Ellis : ses scénarios sont souvent squelettiques, des prétextes pour nous caser des concepts plus ou moins intéressants. C'est d'autant plus vrai avec l'utilisation du roman de Chandler, déjà tellement exploité par deux films, trois même en comptant The Big Lebowski. Ici, nous avons plutôt de la chance. Le bouquin s'ouvre sur une petite leçon d'urbanisme, se perd un peu dans les histoires d'espions génétiquement modifiés, puis nous parle un peu des affres du porno "gonzo".

La vraie force de Desolation Jones se trouve dans le dessin de J.H. Williams III, connu principalement pour son boulot sur Prométhéa. Un choix pas vraiment évident : les compositions alambiquées et les grands écarts stylistiques, qui faisaient des merveilles pour les visions mystiques, d'Alan Moore ne semblaient pas a priori adaptés à un polar terre à terre. Cependant, Williams s'en tire finalement très bien, ne se lâchant que dans les flashbacks et des scènes d'action visuellement épatantes, mais plutôt confuses. Le reste du temps les feux d'artifices sont assurés par le coloriste José Villarubia, dont les choix parfois extrêmes fonctionnent la plupart du temps plutôt bien, assurant une ambiance unique à chaque séquence.

Desolation Jones manque de substance, mais offre suffisament de bonbons pour l'oeil et le cerveau pour qu'on ne regrette pas sa lecture. Et puis si ça peut vous rassurer, on ne voit jamais le film d'Hitler.

Desolation Jones, Tome 1 : Made in England
Warren Ellis, J.H. Williams III
Panini

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